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Le développement des Systèmes de Réciprocité Indirecte en Afrique : bilan et perspectives

Pantaleo Rizzo

Last modified: 2010-10-19

Abstract


Le SRI (Système de Réciprocité Indirecte) existe en Afrique (Tchad et Cameroun). Son développement est satisfaisant jusqu'à il y a un projet qui le soutient. Sans soutien, il s'affaiblit, mais il reste présent, ce qui fait penser qu'il s'agit d'une innovation ayant besoin d'un soutien de plusieurs années avant d'être laissé seul.

 

Je travaille en Afrique depuis 1985, dans le cadre de projets de coopération au développement. Au début, j’accompagnais le développement local en appuyant les associations comme si le développement local n’était que le résultat d’une structuration sociale plus poussée.

En 1995, j’ai eu l’occasion de connaître en Belgique et en France l’existence des Systèmes d’Échanges Locaux (SEL). En 2006, rentré en Italie dans ma petite ville de Martano, mes amis et mes voisins m’ont aidé à créer un SEL de 100 adhérents et à le constituer comme association (ASSEM). Après quelques jours de gestion, on a vu des contradictions entre statut associatif et règlement SRI. Voulant mieux comprendre, je me suis engagé dans une recherche de doctorat de sociologie en France. J’ai analysé le langage qui était de mise autant parmi les adhérents aux SEL que dans les documents des institutions publiques et je l’ai comparé avec les possibilités offertes par les instruments de gestion comptable des SEL. J’ai conclu que dans le SEL on fait des transferts de dons et non des échanges de marchandises, les monnaies sont émises par tout adhérent chaque fois qu’il a reçu un service (monnaies personnelles) et non par un organe social (billet de banque, etc.). Il s’agit d’une structure paritaire de type multilatéral (je-vous), et non d’une structure hiérarchique de type organisationnel (nous), même si les SEL et les autres modèles similaires se constituent encore et erronément en association. J’ai donc promu graduellement la création d’un autre modèle, le Système de Réciprocité Indirecte (SRI), similaire au SEL, mais libre de toute structure associative.

En 2004, après quelques expérimentations en Italie et en Albanie, j’ai promu les SRI en Afrique, d’abord au Tchad et ensuit au Cameroun, dans le cadre de projets de développement, afin d’accompagner le développement local, en appuyant au même temps deux structures relationnelles distinctes : la structure hiérarchique des associations et la structure paritaire des SRI. Au sud du Tchad, dans le Département des Monts de Lam, l’Union Européenne et le Ministère de l’agriculture m’ont permis de sensibiliser 15.000 villageois. Ensuite, une ONG italienne (COOPI), une ONG tchadienne (ARDIL) et le Ministère de l’agriculture tchadien, par le  Centre de Formation pour la Promotion Rurale (CFPR) de Bodjama, se sont engagés à appuyer autant la constitution de 70 SRI (dont 64 SRI locaux pour 215 villages, 5 SRI zonaux pour 4 arrondissements, 1 SRI interzonal pour 1 département) que la formation de 10.754 adhérents (dont le rapport adhérents/habitants était de 11,76 %). Après trois ans, ils ont réalisé des centaines de projets individuels dans le cadre de l’agriculture, de l’artisanat, de l’élevage, de la santé, de la restauration, de la formation scolaire et de la préscolarisation. Ils ont aussi réalisé 45 centres de services locaux et 5 centres de services zonaux (constitués de magasins, d’ateliers et de bureaux). La richesse totale produite par les 179.925 transferts effectués dans les trois ans dans tous les SRI du Tchad est de 260.237.768 monts (l’unité de compte des SRI au Tchad). En considérant que 1 mont équivaut à 1 F CFA et que 1 € vaut 655,957 F CFA, cette richesse totale serait de 396.730 €. La valeur moyenne de richesse produite par chaque transfert est de 1.446,37 monts (2,20 €). Au Cameroun, dans le Département de Dja et Lobo, l’ONG italienne DOKITA et le Ministère des Affaires Étrangères Italien m’ont permis d’appuyer les communautés Pygmées Baka et les communautés Bantou à s’entraider dans les SRI. Après trois ans, ils ont réalisé 20 centres préscolaires communautaires et 20 champs regroupés, actuellement opérationnels, avec un montant total d’environ 20.000.000 Djalobos (l’unité de compte des ces SRI), qui équivaut à 20.000.000 F CFA et donc à 30.489,80 €. Dans le Département de Nyong-Mfoumou, l’ONG camerounaise SAIMED a introduit les instruments du SRI auprès de 10 communautés villageoises pour remettre à culture les cacaoyers abandonnés et réaliser des jardins potagers profitables. En août 2010, il y aura une sensibilisation et formation sur le développement de la réciprocité dans toute la ville de Yaoundé, assurée par DOKITA, par la délégation régionale des affaires sociales camerounaise et par la Promhandicam-Association (une ONG camerounaise qui promeuve l’intégration socioéconomique des personnes vivant avec handicap dans les communautés locales de quartier et de l’entière ville).

D’ici février 2011 quelles seront les perspectives de développement des SRI en Afrique ? On verra ! Si on regard le passé, on voit qu’autant au Tchad qu’au Cameroun les résultats ont été satisfaisants et la plupart des SRI ont fonctionné normalement durant l’appui des ONG. Ensuite, dès que les ONG se sont retirées, le nombre de transferts est diminué et des SRI ont été dissous. Au Tchad, ne restent que les 6 SRI appuyés par le CFPR de l’administration publique tchadienne. Au Cameroun, par contre, le nombre de SRI est encore le même, mais le nombre de transferts est drastiquement diminué. Toutefois, autant au Tchad qu’au Cameroun, il y a désormais des organisations et des cadres nationaux capables d’assurer autant le suivi dans les SRI présents que la formation pour les nouveaux SRI.

 

Thème n°1